La chômeuse et la révolutionnaire

Avanti populo!

La chômeuse et la révolutionnaire

statues congolaises de femmes

La chômeuse détestant l’état tant et plus
Ne fut pas très étonnée
Quand le Parlement la priva de ses allocations
Pas un seul petit discours pour se réchauffer
La police au contraire faisait à qui mieux mieux la chasse aux sans-abri
Elle alla crier sa colère
Une canette à la main
Chez la révolutionnaire, sa voisine :
Il faut s’organiser, lui dit-elle.
Il y a longtemps que je te le dis,
lui répondit l’anarchiste,
Mais tu bois et tu jettes tes canettes par terre
Sans rien faire
Tu fais même la manche
Tu rigolais hier
Quand je te disais
Que c’était une dictature,
Que ce n’est que mensonge
Tu vois bien maintenant
Que l’état ne fait qu’obéir aux actionnaires,
Aux grands propriétaires
Que le contenu de ses coffres,
ne sert qu’à eux
C’est à peine si, autrefois, tu ne leur donnais pas raison
Tu veux qu’on s’organise?
Mets donc sur pied une cellule,
Et apprenez-vous, mutuellement, une seconde langue
Un métier,
Soyez en même temps maître et élève,
Cessez complètement de consommer
De payer des loyers
Ne mangez que ce que vous faites pousser,
vous-mêmes,
dans un champ,
ou même sur des toits, des jardins,
Sans vous servir de semences industrielles
ou de produits chimiques
Commencez par ramasser les cannettes que vous voyez,
Et forgez vous-mêmes avec elles vos outils,
vos ordis
Et une demi-journée par semaine, et même parfois le soir, lisez
Lénine, Alisky, Illich, Star Hawks, peu importe
Et parlez-en entre vous
Et surtout soignez-vous vous-mêmes,
N’allez pas dans un hôpital vous jeter dans la gueule du loup
Là, le personnel soignant, qui est débordé, vous laisserait crever
Même les riches, parfois, y passent
Une fois qu’on les a isolés,
Oubliés seuls dans une chambre,
Humiliés, gavés de médicaments
J’oublie de te dire que cette dictature ne vous laissera pas faire, elle inventera mille prétextes, invoquera mille raisons pour vous empêcher de vous en tirer
Taxera jusqu’à la couleur de vos chaussettes si vous décidez de les tisser vous-mêmes
Elle confisquera vos outils, elle les détruira sous prétexte qu’ils ne sont pas légaux
Ou que vos ateliers ne sont pas sains.
Cette dictature est une voleuse de première force
Elle paiera des pauvres pour vous voler,
Pour saboter les machines que vous aurez fabriquées,
Elle vous forcera à porter des couleurs ternes
Et dira que vous manquez d’imagination
Affiches, journaux à sensation, joints au rire gras des présentateurs, au sourire arrogant de présentatrices d’odieux programmes de télévision serviront à vous assommer
Vous devrez réinventer la culture
Sous peine de vous laisser berner comme des nouveaux-nés
Mais je sais ce que tu vas me dire
Que tu as bien raison de ne rien faire du tout
Et de te moquer de tout
Qu’il n’y a rien à faire
Qu’il est bien trop compliqué de lutter contre un système
Qu’il vaut mieux en profiter tant qu’on peut
Que même la misère a du charme comparé au travail forcé
Tu serais même capable de me dire exactement le contraire
Seulement voilà, si tu veux un jour que l’opportunité se présente de renverser cette dictature ne fut-ce que pour imposer quelques limites à certains, pour mettre fin à l’usure,
Pour respecter enfin un peu la nature
Il te faut préparer si possible cet instant
En faisant le plus possible les choses
Collectivement et librement
La résistance de plusieurs est beaucoup plus efficace
Sinon, il ne te reste qu’à chérir ton sort et la misère, qu’à te raconter de belles histoires, à voir cette petite société rendue vaguement acceptable il y a longtemps par des révolutionnaires, par des grèves, se disloquer, s’effondrer, en sacrifiant, comme sur le Titanic, les pauvres, les étrangers, seuls
L’ébranlement dont tu rêves, une révolution, ne se produiront pas d’eux-mêmes, sans égalité
À moins de causer plus de dégâts encore que la dictature à laquelle ils prétendront mettre fin.

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