Un mot du foot
Il y a quelques mois, un ami m’a demandé d’écrire quelque chose au sujet du foot, mais le foot me rappelle seulement mon enfance, quand je me mêlais parfois à ceux qui, à la récré, jouaient au foot. Cela m’amusait beaucoup. A la récré, je me reposais, j’aimais ne rien faire, parler gentiment, regarder jouer les autres. J’entendais souvent crier : passe, passe! Certains avaient peur des balles et d’autres pas.
Mais je ne jouais pas souvent au foot. Je ne faisais pas partie de la bande qui jouait au foot. Je me souviens, à force d’avoir entendu mes condisciples citer leur nom, de quelques footballeurs: Paul Van Himst par exemple, Pelé, Fernand Boone, Pfaff, un peu plus tard.
Je ne regardais pas le foot à la télé. Mais je suis parfois allé voir des matchs où jouaient les élèves de mon école. Chez moi, à la télévision, on regardait plutôt le tennis. Le tennis est le seul sport que j’aie un peu pratiqué.
A l’école primaire, il me semblait que tout le monde jouait au foot. En secondaire, par contre, plus personne ne jouait au foot. Le foot m’est complètement sorti de la tête. Je ne me souviens pas de ce qu’on faisait. Dans une des écoles secondaires où je suis allé, les élèves jouaient contre le mur avec des balles qu’ils frappaient avec la paume de la main.
Un jour, mon père a disputé un match de foot. Il jouait avec ses collègues de bureau contre une autre équipe.
Que dire d’autre du foot ?
Je me souviens de la coupe du monde qui s’est disputée à Mexico, parce que tout le monde en parlait, parce que les Belges étaient parvenus en quart de finale. J’ai retenu le nom de l’entraîneur de l’équipe belge: Raymond Goethals. Je pense qu’on en parle encore aujourd’hui, de Raymond Goethals.
Mais il a fallu encore des décennies avant que je m’intéresse un peu plus à la coupe du monde de football. Je suivais vaguement le championnat. Je connaissais parfois le classement des équipes de divisions un.
Et puis, le football ou plutôt l’évènement que représente la coupe du monde est devenu comme le reste, un événement médiatique. Les choses ont changé. Il y a cinquante ans, les grands footballeurs n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui : des stars internationales dont les noms figurent régulièrement en première page des journaux. Des demi-dieux. Ils n’avaient pas besoin de recourir à des agences de communication pour soigner leur image de marque, et défendre leur réputation. Ils ne touchaient pas autant d’argent. On ne passait pas son temps à parler des voitures, des femmes des footballeurs.
Depuis environ deux décennies, au moment du Mondial, c’est comme si la ville entière était en état de grâce. Les supporters font à peu près partout le buzz. Une masse de gens parle des matchs, des équipes, émet des avis, un jugement, avec passion, publiquement. Les matchs sont retransmis en grand écran au centre-ville. Tous font des pronostics. Tout le monde sort son petit drapeau, se peinturlure, s’habille en bleu-blanc-rouge, ou en noir-jaune-rouge, ou en vert… Même quand son équipe nationale n’a pas réussi à se qualifier pour le Mondial. On sort les drapeaux, on se drape dans un drapeau, on déambule ainsi dans les rues.
Jusqu’à il y a quelques années, cela avait lieu sans arrière-pensée, sans méchanceté. La fête quoi ! Les gens de tous les pays se font la bise, s’amusent les uns avec les autres, ou se regardent en chiens de faïence. Parfois, certains se fâchent, ça dégénère un peu, mais ça se calme, les gens rentrent chez eux. Aucun groupe de supporters n’a jamais empêché un match d’avoir lieu.
Il y a quatre ans, on avait pour une fois une très bonne équipe. Les joueurs belges jouaient dans les plus grands clubs. Le Mondial se déroulait en Russie et, pour la première fois, j’ai regardé les matchs. Pour la première fois aussi, les Belges sont allés jusqu’en finale. On avait une grande équipe, et son entraîneur, Roberto Martinez, était incroyable
Mais, cela a-t-il fait tourner la tête de ceux qui prétendent toujours penser à notre place, à nous les Belges, de ceux qui sont censés commenter non seulement les matchs, les évènements sportifs, mais tous les soi-disant grands évènements? On dirait que le foot est devenu une affaire d’état. Depuis quatre ans, j’ai entendu et lu tant de bêtises à propos de cette équipe, de ces merveilleux joueurs, dont je connais cette fois presque tous les noms, de ce formidable entraîneur, que j’ai complètement cessé de m’intéresser au Mondial.
Je me suis demandé ce qui se passait, quelle mouche avait subitement piqué les journalistes, tous ceux qui ont des choses à dire en ce qui concerne le football belge. Je n’ai pas eu envie de regarder un match. L’élimination de l’équipe belge avant même les huitièmes de finale au Qatar ne m’a pas étonné. J’ai fait un rapprochement avec David Goffin, le meilleur joueur de tennis belge. Avec toutes les sottises qu’on dit à son sujet.
La manie de juger toujours tout ce que font les gens, la manière péremptoire de parler qui, en Belgique, est celle des intellectuels, des gens qui ont la chance de pouvoir donner leur avis à la télévision, à la radio, dans la presse, a complètement désorienté l’équipe nationale. J’ai l’impression que cette cacophonie sape systématiquement aussi le moral de David. J’ai l’impression que ce pays est malade, que ses mœurs arrogantes ont complètement démoli notre merveilleuse équipe de football. Les médias ont trop d’influence. Et les journalistes ne savent pas toujours très bien ce qu’ils disent
Un jour, ils défendent un joueur, le lendemain, ils le critiquent sur un ton ahurissant. Parce qu’ils ont entendu dire une chose, ou une autre.
Mais bon, je me suis pas beaucoup intéressé à tout ce qui est arrivé aux joueurs de l’équipe nationale pendant quatre ans. Je n’ai pas tout suivi. Je sais qu’on a critiqué les choix de Martinez, le sélectionneur. J’ai été très surpris du ton utilisé pour critiquer cet entraîneur qui a quand même réussi un exploit il y a quatre ans en Russie. Je ne vois pas quoi dire d’autre.