Et patati et patata…

Avanti populo!

Et patati et patata…

Pendant longtemps, la Flandre a souffert. L’apartheid qui y sévissait encore au début du vingtième siècle et qui a engendré cet activisme flamingant que les francophones trouvent tellement affreux, et qui l’est à plus d’un titre, n’a pris fin qu’après la seconde guerre mondiale. A vrai dire, même, pendant la seconde guerre mondiale. Les nazis ont fait beaucoup de saloperies, mais, pour certains, ils ont aussi eu du bon. Ils ont ouvert des écoles flamandes, les premières. Et des universités flamandes. Après la guerre, il a quand même fallu aux Flamands batailler ferme pour sortir du trou. Il y a eu ce recensement qu’ils ont refusé d’appliquer, une politique qui servait aux francophones à leur arracher des morceaux entiers de territoires. Comme ils furent critiqués alors, traités de tous les noms. Il y a eu le Walen buiten, l’expulsion des étudiants francophones de l’université de Louvain. Un crime impardonnable selon les francophones. Il y a eu ensuite les premiers dirigeants néerlandophones. En l’occurrence Léo Tindemans. Les Flamands ne sont pas aussi difficiles que les francophones. Ils ont opté pour un état fédéral. Sous leur houlette, la Belgique est devenue un état fédéral. Bref, on a ajouté une structure à celles qui existaient. Une structure qui a parfois un caractère discrétionnaire. Le fédéralisme n’est pas forcément une panacée. Il a fallu plusieurs réformes pour régionaliser le pays.
Mais voilà, flamingants, néo-nazis flamands, n’ont pas désarmé pour autant. Pourquoi ? N’ont-ils pas obtenu ce qu’ils voulaient ? Pas à leurs yeux. Pour ce qui est devenu une des extrêmes-droites européennes les plus actives et menaçantes, la Belgique n’est toujours pas un état où ils se sentent chez eux, où ils se sentent bien. Le décret de septembre ne leur a pas suffi. Le mouvement flamand actuel n’a plus grand-chose à voir avec celui des origines. Il ne s’agit plus pour lui de gagner le droit de parler sa langue, d’aller à l’école en flamand, d’élire des représentants flamands, mais d’imposer une culture, même aux gens d’une autre culture, des idéaux qui n’ont plus grand-chose à voir avec les idéaux démocratiques de départ. Syndrome de Stockholm, instrumentalisation par le monde de la finance, menace à brandir dès que les attentes des décideurs, des grandes entreprises flamandes ne sont pas satisfaites, on se demande ce qui anime ce landerneau qui, selon des sondages qui ont plus tendance à fabriquer les faits, qu’à les éclairer, ferait fureur pour le moment ?

Menace en l’air ? Servant surtout à discipliner les masses craintives, toujours à la merci de dérives en tout genre ? Ou servant à les ramener dans le sillage des grands partis traditionnels ? En sachant que l’extrême-droite n’est jamais aussi efficace que lorsque des revendications égalitaires se font jour ? Les attentes et la politique des partis traditionnels ont elles-aussi un côté extrême. Austérité, politique sanitaire que certains intitulent dictature sanitaire, militantisme guerrier, injustice fiscale, disparité économique de plus en plus grande, problèmes environnementaux, tout cela pèse sur le citoyen ordinaire. Et le convaincre de poursuivre et même d’avancer dans cette voie de plus en plus scabreuse nécessite une certaine énergie. En temps normal, une bonne guerre sert à remettre les pendules à l’heure. Mais, de nos jours, la guerre représente quand même un certain risque, même pour les super-riches, et les décideurs. On n’envoie pas non plus des troupes dans le Tiers-Monde à la première alerte sans avoir toutes sortes de comptes à rendre. Les intérêts économiques des puissances occidentales doivent désormais être compatibles avec le fonctionnement de grandes organisations économiques, démocratiques. On a beau les manipuler, les contrôler vaille que vaille, les chapeauter, leur imposer en grande partie leur conduite, elles existent, elles ont un statu, et sont censées respecter des règles. Du reste, le véritable danger de nos jours, en tout cas pour le,Tiers-Monde, vient en grande partie de ces grandes organisations, de leurs plans d’ajustement, de la dictature sanitaire qu’elles font régner, de leurs interventions militaires à elles. Pour un simple état occidental, ou pour une moitié d’état, il ne s’agit plus d’aller exterminer un groupe humain dans un autre pays et de lui voler ses richesses en en mettant un autre au travail. Et dans les stratégies beaucoup plus vastes dont les grandes organisations sont les véritables piliers, les états développés eux-mêmes servent avant tout d’instruments. À la rigueur, seule leur voix à l’assemblée générale des Nations-Unies et leur fausse réputation représente une utilité. Les menaces en tout genre qu’ils sont encore capables de brandir. Notamment des menaces de sanctions. Des menaces d’arrestation. Que l’ont fait peser sur certains dirigeants. Mais la justice internationale est désormais la seule compétente pour les juger, pour les faire incarcérer. Les états industrialisés eux-mêmes n’ont pas cette prérogative, parce qu’ils ont cessé d’administrer directement de vastes régions du Tiers-Monde. Il s’agit donc de s’entendre au sein du monde occidental si tant est sur le dos du Tiers-Monde ou d’autres, mais pas de faire cavalier seul. Et de se partager les retombées des vastes entreprises d’intoxication et de déstabilisation auxquelles procèdent coalitions et autres instruments sous la conduite des grandes organisations. Pour y gagner quoi que ce soit, l’accès à certaines structures financières est important. Or elles sont à la fois complexes et nombreuses. Parfois même imprévisibles. Il est hors de question de se retrouve subitement en porte-à-faux par rapport au FMI, à la BCE, à l’organisation SWIFT, à la BRI, à la Banque mondiale et à tout un paquet d’autres. Il est loin le temps où les banquiers belges faisaient la pluie et le beau temps en Afrique centrale. Pour se faire bien voir, ils ont plutôt intérêt à investir dans des colonies en Palestine. Bref la logique de l’espace vital est dépassée. De nos jours, ce qui l’emporte, c’est l’investissement dans des réseaux d’influence en tout genre. Et, à cet égard, la logique du eerst onze mensen et du eigen volk samen est plutôt contre-indiquée, sauf peut-être sur un plan dialectique, et même si le problème réside bien dans le fait que, dans de vastes ensembles, il arrive aussi souvent que dans l’état de nature que les petits se fassent spotcher comme on dit en wallon, ou en Belgique francophone. En gros, flatter les gros états qui ont tendance à dominer les grandes organisations internationales, faire des courbettes devant leurs dirigeants, arborer leurs insignes, reste une tactique efficace. Mais là aussi, tout ne se vaut pas. Arborer les insignes des organisations nationalistes américaines ne séduit pas forcément tous les dirigeants américains de la même manière.
La Belgique semble bien armée vis-à-vis de ces réseaux. Elle est le siège de toutes sortes d’organisations, et non des moindres, comme l’OTAN, Bruxelles est la capitale de l’Union européenne. Mais elle n’y joue pas un grand rôle pour autant. Charles Michel est le président du Conseil européen, mais ce n’est pas un flamand. Les Flamands ont beaucoup trop la fibre nationaliste pour jouer un grand rôle au sein des grandes institutions internationales.

Ne préjugeons pas des prochaines élections, en juin 2024. Mais, au cours des deux dernières décennies, la Belgique a été confrontée à deux crises gouvernementales majeures, à cause des partis fascistes flamands, à l’impossibilité de former un gouvernement. Cette fois, encore, à l’issue des élections, il se pourrait qu’elle soit ingouvernable à cause de ces partis.

Une alternative révolutionnaire serait la bienvenue, mais il n’y a pas de mouvement révolutionnaire en Belgique. Le PTB est devenu un parti tout ce qu’il y a de plus traditionnel. Son intégrité apparente n’en fait pas un parti révolutionnaire. Même si cette intégrité fait tache. Si elle fait peur au landerneau politique. Il manque au PTB une analyse actualisée de la politique belge et internationale. La défense du monde du travail, aussi louable soit-elle, est encore basée sur une logique qui requiert une expansion économique permanente. Or comment concilier son point de vue tiers-mondiste avec l’expansion industrielle nécessitée par la logique actuelle du travail ? Il y a longtemps que la gauche est dans l’impasse et elle n’est pas prête d’en sortir. Elle aurait même tendance à contribuer à rendre les choses insolubles.

Un intermède fasciste qui se solderait probablement par l’éclatement de la Belgique, ou par l’adoption d’un statut de type confédéral, autrement dit par l’abrogation de la constitution, aurait-il un impact dévastateur ? Pour la Flandre, un régime fasciste permettrait de résoudre un certain nombre de difficultés, mais c’en serait fini de cette formidable culture flamande, si chère soi-disant aux nationalistes flamands et dans laquelle Antonin Artaud voyait une forme de transcendance. Bref de l’aura de ce petit peuple plein de ressources. C’en serait fini de la Flandre sur toutes sortes de plans. Il est peu probable que son appareil dirigeant laisse les choses en arriver là.

Le plus probable, c’est qu’une crise permanente s’installe et qu’un gouvernement non élu soit mis en place, comme pendant l’épisode du Covid19. Une dictature, mais affectant de poursuivre des objectifs humanitaires et démocratiques, serait à l’ordre du jour. Comme en France où le 49.3 a remplacé le débat politique et public, où il le nie systématiquement. On se retrouve dans un cas de figure dont une activiste comme Susan George a prédit l’avènement à l’échelon européen tout entier. On aurait affaire à une dictature, mais pas à une dictature fasciste. Il s’agit d’une évolution prévisible et pratiquement inéluctable. Bien sûr, l’on maintiendrait pendant un certain temps les apparences démocratiques. Il s’agirait d’une solution provisoire. Mais on est en droit de se demander ce que ferait ensuite, lorsque des mesures d’exception en tout genre auront été prises, un gouvernement démocratique. Quelle serait encore sa marge de manœuvre ? Quelle est du reste encore aujourd’hui la marge de manœuvre d’un gouvernement ? À quoi sert-il ? Sur le plan économique, environnemental, institutionnel ? À préserver un fonctionnement, que l’on peut toujours tenter d’améliorer, mais en faisant de plus en plus souvent des sacrifices qui provoquent des chocs dans le monde du travail, au sein des groupes les plus précaires de la population, qui engendrent une insécurité croissante. À défendre un état qui flirte avec le racisme, avec une logique bureaucratique et abusive délétère, qui s’engage de plus en plus dans des entreprises guerrières pour des raisons qui ne sont pas vraiment légitimes. Qui ne permet pas vraiment de caresser l’espoir de renverser la situation. Mais qui fait gagner du temps. Qui permet au moins de réfléchir. Même si cette réflexion a plus un effet placebo que quoi que ce soit d’autre. Que l’on ne voit pas dans un tel point de vue une défense de la légitimité gouvernementale ? Si la moindre alternative telle que celle que Syriza et Tsipras étaient parvenus à mettre sur pied en Grèce en 2015 avait cours, je sauterais dessus à pieds joints. Mais la situation est encore beaucoup trop à l’avantage des milieux les plus favorisés pour qu’une telle alternative se fasse jour. Tout ce que l’on peut faire, c’est remettre en question le plus possible, les options, les solutions adoptées, et espérer qu’une synthèse des réflexions critiques menées permette de mettre un jour quand même sur pied une telle alternative.

 

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