Idéologie, travail et matières premières

Avanti populo!

Idéologie, travail et matières premières

Manif Sémira Adamu

À la question, serions-nous des nazis, il s’agit d’apporter une réponse nuancée. Les nazis sont des idéologues. Ils se sont servis d’une idéologie qu’ils ont fabriquée pour parvenir au pouvoir. Les milliardaires actuels sont les propriétaires d’idéologies. Les capitalistes n’ont pas changé. Leurs méthodes ont changé. Aujourd’hui, ils sont non seulement obsédés par le contrôle, la possession de ressources et de territoires, mais ils sont aussi obsédés par des logos, par des images. Ils fabriquent dorénavant des marques, autrement dit des structures de pensée, de vie. On n’a pas seulement une American Way of Life, mais cinq ou six, voire bien davantage, qui sont les variantes d’une même structure de base qui a consisté à remplacer par des machines la vieille domesticité, qui, au début du siècle précédent, fournissait encore des emplois à plus de quinze pour cent des gens.

Ces idéologies (les marques) prônent un rapport très matériel, et en partie esthétique, au monde. La notion de confort est importante. Mais les manières de vivre proposées, suggérées, sont souvent inaccessibles au commun. Elles exercent néanmoins un attrait. Beaucoup les jugent incontournables. Leur caractère exclusif, élitiste n’est pas évident. Elles représentent même des leviers pour se hisser au même niveau que les autres. Comme toutes les idéologies, elles ont leur vie propre. Elles évoluent. Elles se diversifient. Elles se spécialisent.
Le petit livre de Naomi Klein Dire non ne suffit plus est intéressant. Il décrit la marque Trump. Il en montre l’adaptation, les méthodes, les objectifs. Il n’est pas certain que l’accession de la marque Trump à la Maison-Blanche soit la pire des choses qui soient. Mais c’est possible. Il est possible que l’une ou l’autre marque évolue vers une idéologie de type nazie. Trump est assez proche, sinon directement concerné par cette dernière. Ses liens avec le Ku-Klux-Klan ne sont un secret pour personne. Est-ce que le passage par la Maison-Blanche accélère ou freine ce processus, c’est difficile à dire?

À coté de ce problème idéologique, il y a aussi la question des ressources. La dépendance de notre société aux ressources primaires, naturelles, n’a jamais été aussi grande. De très nombreuses ressources entrent en ligne de compte. La lutte pour ces ressources est plus féroce que jamais. Il y a un rapport évident entre les deux. Ainsi qu’avec le réchauffement climatique. L’OTAN, de puissance défensive qu’elle était, prétendument, est clairement devenue une organisation militaire agressive. Elle manipule des pays et les force à entrer en guerre les uns contre les autres.

Souvent pour accéder à certaines ressources, une idéologie est nécessaire. Il s’agit de justifier, de légitimer leur captation par tous les moyens, de légitimer des agressions. Le recours à des groupes de combattants justifiant leur combat par une idéologie raciste, sectaire, est de plus en plus systématique. Sur les trois continents, les capitalistes, les grandes sociétés pétrolières ont recours à ce type d’organisations idéologico-militaires.

Enfin, last but not least, le sommet atteint par les méthodes de management et d’organisation du travail, dans les parties du monde qui n’ont pas été en mesure de garantir certains droits aux travailleurs, rendent pratiquement inutile le nazisme qui pratiquait, lui, une forme d’esclavagisme, et qui a mis de force les chômeurs au travail, et pas seulement eux, bien sûr, sans rien leur garantir.
On est confronté à un cadre où, si l’on n’adhère pas à cette idéologie managériale, toujours plus ou moins accolées à des justificatifs de type racistes, liberticides, si on défend une contre-idéologie, on peut se retrouver très seul, sans soutien, privé de relations sociales.

Dans la situation existante, une forme d’implosion de la société, de ses fondamentaux, peut se produire. Des digues peuvent se rompre à tout moment. Les efforts de certains propagandistes pour provoquer une rupture de ces digues sont indéniables. Fake news, complotistes, mais aussi la censure systématique des critiques de l’ordre établi, la référence souvent injustifiée, intempestive, au complotisme, n’arrangent rien à l’affaire.

Les antisémites, bref les racistes, essaient d’obtenir le soutien ‒ qui les priveraient du pouvoir à leur profit ‒ des milieux dirigeants occidentaux. Et ceux qui les combattent essaient de rendre ce soutien impossible.

L’agression verbale est une tactique de combat efficace. Elle a surtout un impact sur les minorités, les groupes sociaux les plus faibles, mais pas seulement. Face aux autres, singer l’ignorance, la bêtise, la méchanceté, tout en associant des valeurs dites utiles au capitalisme, pour en radicaliser les méthodes, travailler donc sur la compréhension de ces valeurs, les dissoudre en se servant de raccourcis, comporte une certaine efficacité également.

Dans un tel monde, la situation des réfugiés est particulièrement préoccupante. On se retrouve dans une société qui, dans certains cas, a plus à voir avec l’Antiquité qu’avec le nazisme. Une des principales régions fortement développées de l’Antiquité, la Méditerranée orientale, où se vendaient, s’échangeaient, se capturaient des esclaves, est, pour le moment, une zone critique où des camps de réfugiés se multiplient. Idem de l’Afrique du Nord.

Le fascisme est l’idéologie de base de ceux qui persécutent, maltraitent, les réfugiés qu’engendre massivement les conflits suscités par la course aux matières première. L’afflux de réfugiés, comme dans les années 30 en Allemagne, suscite la radicalisation de certains groupes sociaux.

Le réchauffement climatique aggrave bien sûr considérablement cette situation.

Les milliardaires rivalisent d’astuces pour couler des états et s’approprier leurs richesses. Pas seulement leurs richesses naturelles. Cela provoque d’autres conflits.

Dans un tel contexte, les idéologies de type nazies sont parmi les plus dangereuses. Elles s’appuient sur la peur pour imposer un regroupement, qu’elles sont bien sûr en principe incapables de susciter.

Il y a aussi les idéologies religieuses. On parle beaucoup de l’Islam. Le judaïsme n’est pas en reste. Les sectes chrétiennes sont très actives également. Mais il y en a d’autres. On vient d’en avoir un aperçu en Inde.

Le problème du marxisme, c’est qu’il s’oppose directement au capitalisme. Il reste la bête noire des propriétaires de richesses du monde entier, et facilite leur union, et leur organisation omnipotente, criminelle, qui n’a pas cessé de se complexifier depuis une centaine d’années. Il est lui-même divisé. Et parfois incohérent. Tout un pan du marxisme, le trotskysme, s’est carrément mis est au service de l’organisation capitaliste.

La grande différence entre la première partie du vingtième siècle et la période actuelle réside dans la prise de possession quasi universelle par les capitalistes des richesses et des ressources mondiales. Au début du vingtième siècle, ces dernières appartenaient encore en partie aux peuples eux-mêmes de quelque façon que cette richesse se distribuait. La guerre entre marxistes et anti-marxistes se résumaient souvent à une lutte entre des grands propriétaires et les peuples qu’ils affamaient et torturaient. Mais les grands propriétaires ne possédaient pas tout. Pour les capitalistes actuels, ainsi que pour tous ceux qui sont le relais naturel de leurs obsessions, notamment la petite bourgeoisie, mais surtout, de nos jours, les opinions publiques des pays dits développés, le reliquat de richesse continuant à appartenir à l’un ou l’autre peuple fait figure d’anachronisme, voire de sacrilège. C’est la principale raison d’être de la guerre en Syrie, en Irak, de toute la série de coups d’état qui viennent de se produire en Amérique latine. Il s’agit de guerres contre des peuples, pas contre des armées. Le nombre de victimes civiles de la guerre du Golfe ou de la guerre en Syrie est proportionnellement de loin plus important que le nombre de victimes civiles des guerres antérieures. Tout cela au nom des droits de l’homme et de la démocratie.

Face à une surenchère de crimes en tout genre, contre la nature, l’humanité, la légalité internationale, on a des individus extrêmement isolés et fragiles comme Jullian Assange, et quelques autres. Quelques artistes également, de moins en moins nombreux, noyés dans la masse des vedettes médiatiques et du show-business, des gens comme Costa-Gavras et d’autres, des essayistes maudits, qui passent leur vie au tribunal, construisent des antidotes, des sortes d’anti-poison, des contre-feux, comme disait Pierre Bourdieu, qui forgent des outils qui permettent à d’autres de lutter contre les structures qui les oppriment. Mais ces antidotes ont une efficacité limitée.

Une partie de la mouvance écologiste, la moins bobo prétend proposer une sorte d’alternative en vogue dans certains milieux. Mais de quel côté sont nos fameux partis écologistes ? Souvent du mauvais côté. Le Greenwashing a les traits d’une idéologie extrêmement perverse, dangereuse. Est-ce que le bon côté de l’écologie est en mesure de renverser la vapeur? Cette idéologie, très technocratique, manque de fondement sur le plan socio-économique et spirituel. Mettre en exergue le haut degré de développement spirituel et matériel des sociétés précolombiennes et amazoniennes n’est pas suffisant. Couplée avec une sorte d’anarchisme, elle est à la base d’un embryon de résistance, bien trop coupé des masses.

Il est de plus en plus évident que les droits de l’homme sont une simple idéologie et que c’est la maîtrise des moyens de communication de masse qui rend efficace cette dernière en servant à nier et à couvrir maintes violations des droits de l’homme. Cette idéologie a même suscité une technique consistant à commettre des violations massives des droits de l’homme sans en parler, et ensuite, à condamner avec acharnement les réactions, souvent très violentes, que cela suscite. Cette idéologie et l’industrie sur laquelle elle s’appuie servent encore vaguement de rempart contre le retour d’idéologies comme le nazisme, elles servent de garde-fou, mais fonctionnent forcément aussi comme un repoussoir et tient lieu de stimulant pour les néo-nazis et autres racistes du même acabit (KKK, etc..).

Quelques rares états qui ne veulent rien entendre, la Russie, par la force des choses, parce qu’elle est un objet de convoitises, combattent cette hydre, cette sorte de pieuvre internationale, qui broie toutes les proies dont elle s’empare. Ce n’est pas rien la Russie. Mais elle n’est pas non plus infaillible. La Chine, dont cet hydre a espéré s’emparer, mais qui lui résiste également, ce n’est pas rien non plus. Un problème épidémiologique en Chine suffit à provoquer un début de crise financière à l’échelon mondial. Les crises sont cependant aussi le creuset des pires idéologies et des pires logiques socio-politiques. Rarement celui des meilleures.

À la base de la transformation rapide des rapports sociaux, des rapports, des conditions de vie des masses également: la technologie. Le danger qu’elle incarne, les apories qu’elle représente sont de plus en plus dénoncés. Mais avec très peu, beaucoup trop peu d’effet. La principale ressource utilisée pour combattre les effets pervers de la technologie est précisément cette technologie, alors que les techniques de substitution auxquelles s’accrochent certains posent les mêmes problèmes : besoins identiques, voire plus dévorants encore de matières premières (voiture électrique), de ressources primaires (eau, terre, etc..), effets sur la santé, dépendance vis-à-vis des multinationales. L’idéologie technocratique, sa variante écologiste comme les autres, est souvent à rapprocher du nazisme également.

 

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